La voix est un révélateur physique, psychique, mental, émotionnel, social, culturel d’une extrême précision. Elle est le reflet instantané de qui je suis, de ce qui a existé et existe autour de moi. Elle est la résultante de toute mon histoire, des tensions, des pressions et conditionnements qui sont les miens. C’est une photo haute définition, d’une fidélité remarquable.
DES SONS ORIGINELS À LA VOIX FORMATÉE
Chaque âge de la vie est traversé et travaillé par les sons, sculpté et modelé par la voix et le verbe.
Dès l’origine, dans l’univers intra-utérin, le son, déjà, est présent. Sa vibration forme et informe la cellule, l’embryon puis le foetus. Impact subtil et ténu dans l’infini petit, en amont des mémoires et connaissances familiales et collectives.
À la naissance, le bébé joue naturellement avec sa voix, il gazouille en sons multiples et passe avec une simplicité déconcertante des subaigus les plus aériens aux graves les plus profonds et surprenants. Ses gammes et tessitures sont alors particulièrement vastes et variées. Mais il va progressivement oublier sa nature vocale première pour se calquer aux modes sonores ambiants et entrer en communication avec son entourage.
Ses proches et sa famille vont l’orienter vers une façon de parler et d’exister, et le soumettre à un code, commun au clan, d’expression, de manifestation, de reconnaissance vocale, où l’émotion devra la plupart du temps être maîtrisée et maintenue sous contrôle.
L’expression de la tristesse, de la colère, de la joie, de la jalousie, de l’affection, du rire, se trouve ainsi calibrée, formatée, perdant spontanéité et authenticité premières.
L’enfant, en grandissant, apprend ainsi à privilégier et interpréter la partition sur laquelle l’adulte le tolère et le nourrit. Il répond par pur réflexe de survie sur les mêmes longueurs d’ondes, évolue sur les mêmes registres, s’identifie et reproduit.
Par ce même réflexe grégaire de survie, l’adolescent, afin d’être reconnu et considéré par ses pairs, se soumet plus encore à un modèle. Il se revêt d’un costume vocal, dont les répercussions physiques, psychiques, mentales, manifestées par des gestuelles, tensions du corps, l’installent et l’ancrent dans un développement parcellaire.
Parvenu à l’âge adulte, l’individu se retrouve donc confronté et identifié, à son insu, à une unique partition et vision du monde. Ainsi programmé, il évolue et se complaît dans le bain sonore familier qui l’a construit.
Coupé de sa propre nature, de ses trésors naturels et de leur libre expression, aveuglé par ses croyances, identifié à ses propres rituels, il défend son territoire et rejette toute non-conformité.
Nous assistons, ainsi, à un morcellement, à un éclatement de l’individu au bénéfice d‘une identité de groupe culturel et social. Chacun se soumet à une manière d’être, et favorise la naissance d’une pensée à tendance unique qui engendre grilles et cloisonnements, écoles, querelles et esprit de chapelles.
Les sons-liberté, expérimentés à la naissance, ne s’exprimeront plus que lors de situations extrêmes, de surprise, de joie, d’amour, de peur, de rire et de souffrance, lorsque l’enjeu n’est plus au contrôle ou à la maîtrise. Ultimes échappées belles où la personne est encore vivante et vibrante à part entière.
DE LA VOIX FORMATÉE À LA VOIX LIBRE
Privilégiant une démarche ludique, qui permet de dédramatiser et de démystifier, entrant en résonance avec le corps et ses différents organes, le travail de thérapie vocale consiste donc à reconnecter avec sa terre et sa nature première.
Dans un espace d’exploration ouvert et libre, dénué de tout jugement, l’élève apprend à accueillir et à réhabiliter tous ces sons que l’individu considère communément comme des « erreurs » vocales.
Car, en cet espace de vie, de vibrations et de liberté, la « fausse note » a sa raison d’être. Elle est une porte d’accès privilégiée conduisant à une connection directe avec la profondeur de l’être. Et c’est par elle que se franchissent des paliers qui donnent accès à des trésors oubliés et surprenants.
S’essayant à différents costumes vocaux, empruntés à des cultures musicales de différents pays, l’élève puise à pleine voix dans la fabuleuse richesse des chants du monde, en cette mémoire des peuples et de leur histoire, pour oser expérimenteret faire corps avec tous ces personnages et styles vocaux. Il joue et s’amuse, apprivoisant ses voix d’hommes, de femmes, d’oiseaux, de divas, d’enfants, il reconnecte ainsi avec toutes les parties de son être morcelé.
En dehors de toutes pressions ou injonctions du thérapeute, il s’essaie librement à tous ces sons. Qu’ils soient gros, gras, primitifs, sonores, fluets, multiples ou subtils, tous sont les bienvenus et participent à cette réunification de l’être. Ce n’est plus, dès lors, le thérapeute qui dirige la séance mais le son lui-même, celui que l’on laisse sortir avec de plus en plus de facilité, de plaisir et de liberté. L’élève s’est laissé maturer, traverser, vibrer et enseigner par le son, qui est devenu maître et guide authentique.
Rencontrant aussi, lors de cette exploration, différentes émotions refoulées, l’élève apprend à les laisser s’exprimer en conscience, douceur et confiance.
Et c’est ainsi qu’il s’initie aux vertus thérapeutiques du son, qui, tel un baume guérisseur, dénoue les tensions, masse le corps et harmonise les cellules, recréant la cohésion et la densité originelles, précédant toute programmation.
Et c’est ainsi qu’il découvre, par le travail de la Voix Libre, ce que toute personne, en fait, vient chercher : Soi-même.
« Les Mille Eclats d’une Voix », C D que j’ai enregistré a capella s’inscrit à part entière dans cet esprit et cette démarche thérapeutique.
Puisant au cœur de la richesse des chants traditionnels de la terre, cet enregistrement, fidèle restitution d’une voix et d’une seule, est à la fois démonstration, support d’exploration, outil d’harmonisation, de dynamisation et de relaxation.
Chacun, en l’écoutant, peut s’initier à la Voix Libre, s’essayer à voyager sur différents costumes vocaux, se laisser traverser, imprégner par ces chants traditionnels, véritables chants-médecine à l’impact singulièrement puissant, oser sa voix, ses voix et pourquoi pas, tout simplement, se laisser bercer, toucher, en vrai.